Malo Chapuy
Prix agnès b.
Luc, dit-on, a peint la Vierge sur la table à manger de la maison de Nazareth. Un objet modeste, vil, transformé par l'imago dont il est le support. Mon évangéliste, j'aime à le supposer dans l'un de nos appartements modernes. Patron des peintres, le voilà aussi protecteur des designers, des architectes, des photographes. Il connaît le Corbusier, Aldo Rossi, Bernd et Hilla Becher, il écume les bennes et les trottoirs de Paris à la recherche de matière première, il pratique l'upcycling. Sous sa main anachronique, les détritus de notre ère deviennent des reliques sans âge, et les paysages gothiques voient le béton des châteaux d'eau remplacer la pierre taillée des clochers et des murailles. Le banal se couvre de noblesse. Et dans quatre ou six siècles, qui sait, on se penchera sur un plateau-déjeuner éclairé à la LED d'une bougie électrique, et on lira sur le cartel, en tout petit :
« première moitié du XXIè siècle ; attribué à saint Luc »
Luke, it is said, painted the Virgin on the dining table of the house in Nazareth. A modest, vile object, transformed by the imago of which it is the support. My evangelist, I like to imagine him in one of our modern flats. Patron saint of painters, he is also the protector of designers, architects and photographers. He knows Le Corbusier, Aldo Rossi, Bernd and Hilla Becher, he scours the skips and pavements of Paris in search of raw materials, he practices upcycling. Under his anachronistic hand, the detritus of our era becomes ageless relics, and the concrete of water towers replaces the carved stone of steeples and walls in gothic landscapes. The commonplace is clothed in nobility. And in four or six centuries' time, who knows, we will look at a breakfast tray lit by an electric candle's LED, and we will read on the label, in very small print:
"First half of the 21st century; attributed to Saint Luke".