Puisque les questions d’identité, de genre, de transgression des conventions établies par une histoire sociale dominée par des traditions figées et uniformes sont depuis plus d’une décennie profondément remise en cause, les Beaux-Arts de Paris, avec le soutien du créateur Thom Browne installent une chaire Troubles, dissidences, esthétiques - au cœur de ses enseignements. 

 

Les Beaux-Arts de Paris installent une chaire « Troubles, dissidences, esthétiques » au cœur de ses enseignements. Plateforme interdisciplinaire de rencontres et d'événements ouverts au public, les étudiants et les professeurs y interrogeront les normes de genre et de sexualité ainsi que l’histoire sociale, artistique et politique des contre-cultures sexuelles.

 

Alors que dans les années 1990 le Sida ravage la communauté homosexuelle, l’insulte « queer ! » fait l’objet d’un retournement performatif. À travers les époques, le mot avait charrié un réseau de significations diverses : « bizarre », « déviant·e », « tordu·e », « tafiole », « gouine », « pédé », autant d’injures qui renvoient à l’histoire partagée de la violence, de l’exclusion et de la honte par les minorités de genre et de sexualité. « We’re here! We’re queer! Get used to it! » tonnent les militants du collectif Queer Nation. L’objectif est ici double : il s’agit tant de refuser l’assignation à l’invisibilité que les politiques d’assimilation portées par les mouvements LGBT plus conventionnels. Au même moment, sur les campus universitaires, naissent les théories queer, avec notamment la publication de l’ouvrage Gender Trouble de Judith Butler. Elles redéfinissent le queer (queerness) comme une position de résistance et de dissidence vis-à-vis du régime de la normativité sexuelle. 

 

Ce retournement implique une transformation des regards et des corps. Artistes, militants et penseurs déconstruisent les normes de la sexualité, interrogent la construction sociale des identités, réinventent les codes de la représentation et les modalités d’expression artistique. À leur façon, les œuvres de Gran Fury, Félix González-Torres, Nan Goldin, David Wojnarowicz, Zoé Léonard et de tant d’autres explorent de manière sensible les affects politiques du queer et ses stratégies de résistance à la normalisation. Leur éclat continue d’inspirer les pratiques les plus contemporaines : Anne Imhof, Wolfgang Tillmans, Barbara Wagner et Benjamin de Burca, Mary Sibande, Travis Alabanza… Aujourd’hui comme hier, les imaginaires politiques et plastiques ouverts par celles et ceux qui pratiquent l’art comme un acte de résistance restent infinis et ouverts.

 

Le queer, comme point de départ d’un positionnement artistique, politique et théorique, trouble les dualités et les oppositions binaires. Il permet de mettre en évidence la violence du régime politique de l’hétérosexualité et son articulation avec les oppressions de genre, de race et de classe. Il convoque une série de déplacements, de formes, d’actes, toute une intelligence collective et sensible, qui se manifestent dans des pratiques de subversion politique, artistique et culturelle du pouvoir. Il permet d’envisager d’autres récits, d’autres chronologies et d’autres modes de réception de l’histoire des arts et des arts contemporains.

 

La chaire Troubles, dissidences, esthétiques des Beaux-Arts de Paris soutenue par la maison Thom Browne et accompagnée par Madeleine Planeix-Crocker et Fabrice Bourlez en analysera l’intempestivité brûlante.