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Autoportrait, c.1940, aristotype mate, 12 x 9 cm, Ph 25052

Anonyme, dit ZORRO

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Anonyme, dit ZORRO (actif 1940 – 1970)

Autoportrait, c.1940, aristotype mate, 12 x 9 cm, Ph 25052

 

« Pendant près de trente ans, un homme se livre au jeu du dédoublement photographique. Dans l’intimité de son appartement, il se met en scène, se travestit et prend des photos, répétant inlassablement l’opération. Peu importe si le dispositif photographique est bricolé et maladroit, peu importe le regard des autres. Par les artifices de la mise en scène et l’enregistrement photographique, il donne forme à son fantasme, s’invente en héros et jouit de lui-même.

 

Cet ensemble, composé d’une centaine de photographies réalisées entre 1940 et 1970, a été trouvé dans une enveloppe soigneusement conservée à l’abri des regards jusqu’à ce jour. En l’absence de toute information sur l’identité de l’auteur, nous l’avons spontanément appelé Zorro, l’homme au fouet, laissant parler les images.

 

Il n’est pas le premier à avoir pratiqué l’autoportrait de façon obsessionnelle. D’Hippolyte Bayard à Pierre Molinier, en passant par Claude Cahun ou Cindy Sherman, nombre de photographes se sont mis en scène, illustrant avec brio et parfois humour la célèbre formule de Rimbaud, « Je est un autre ». Pour Zorro, l’autoportrait constitue un véritable enjeu plutôt qu’un jeu. Engagé dans une entreprise imaginaire, il traduit ses images mentales en photos, sans relais, dans une création impulsive qui se soustrait aux normes. Contrairement à la pratique réfléchie d’un artiste, ses photographies donnent à voir une obsession à l’état brut et c’est dans cet art de la singularité que ces images puisent leur force.

 

Par chance, ces photographies ont échappé au sort de tant d’autres, détruites aussitôt qu’elles sont découvertes en raison de la trop grande intimité qu’elles renferment. Pour nous qui explorons depuis des années le champ immense de la photographie anonyme à la recherche de perles rares, l’attrait de ces visions intimes ne réside pas tant dans leur confidentialité – que nous trahissons en les publiant – que dans leur mystère, cette troublante étrangeté propre à certaines photographies qui donnent à voir sans rien révéler de leur secret. » (Marion et Philippe Jacquier)