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Anton PRINNER (Budapest, 1902 – Paris, 1983)
La Femme tondue, Paris, A.P.R., 1946, livre d’artiste, [58] p., 8 gravures originales, 8° 26242

 

Né à Budapest en 1902, Anton Prinner y étudie à l’Ecole des Beaux-Arts de 1920 à 1924. Il quitte la Hongrie à l’âge de 25 ans et arrive à Paris vers la fin de 1927 ou au début de 1928.

 

Prinner a toujours refusé toute influence et surtout l’enfermement dans une école. Néanmoins à son arrivée à Paris, il fréquente la Grande Chaumière et le milieu des Montparnos, notamment les artistes de l’Est mais aussi la colonie Sud-Américaine. Les spécialistes de Prinner distinguent dans son œuvre de 1932 à 1937 une période constructiviste à laquelle deux sculptures figuratives Double Personnage et la Femme-taureau mettent fin. La rencontre avec Picasso en 1942 aura une grande influence sur l’artiste, qui cependant se laisse convaincre par l’éditeur Godet de rejoindre l’atelier du Tapis Vert, à Vallaris qui marquera une période de retrait hors de la vie sociale mais également d’enrichissement artistique de 1950 à 1965.  

 

En même temps qu’il quitte son pays natal, l’artiste change de sexe. La jeune femme à nattes laisse place à un homme vêtu comme un ouvrier avec un béret basque pour camoufler sa chevelure. S’il n’y a aucun affichage militant dans ce changement de sexe, il n’en reste pas moins que la question du genre, et plus particulièrement de l’androgyne, traverse l’œuvre de Prinner à partir du moment où elle devient figurative au tournant des années 1930. Comme le remarque Emmanuel Pernoud, « Prinner pousse l’égalisation à l’extrême. La figure est régularisée dans sa posture et dans ses traits, régie par une implacable symétrie qui gomme toute esquisse d’individuation. Elle est sexuée, en général au féminin, mais la différenciation sexuelle se contente d’indices et n’affecte pas – ou rarement – le visage, qui se mure dans une impénétrable ambiguïté. La sculpture de Prinner androgyne la forme : elle élève des statues au corps réunifié non pas en créant des hermaphrodites mais en égalisant les proportions et les surfaces. »

 

La femme tondue, paru en 1945, participe de la réflexion sur le genre et plus particulièrement sur la question de l’androgynie. Le choix de traiter le sort tragique réservé aux femmes convaincues de s’être « compromises » avec l’occupant n’est pas anodin. A travers ces femmes rasées livrées à la vindicte populaire, il semble que Prinner veuille mettre en lumière une certaine frustration de l’humanité quand elle est mise en face de la complétude représentée par l’androgynéité platonicienne.