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Jean-Jacques LEBEL (Paris, 1936)

Sans titre, 2018, collage et acrylique sur carton, 120 x 80 cm, EBA 11280

 

Jean-Jacques Lebel est depuis les années 1960 une figure des avant-gardes artistiques, littéraires ou politiques. Proche des surréalistes, des auteurs et poètes américains de la Beat Generation qu’il a contribué à faire connaître en France, engagé contre la guerre d’Algérie puis pendant les évènements de mai 68, il a œuvré comme éditeur, metteur en scène, commissaire d’exposition, critique d’art tout en poursuivant constamment ses recherches plastiques personnelles. Premier à présenter un happening Europe, il produit de nombreuses performances dans les années 1960, période pendant laquelle, travaillant à Paris, Londres ou New York, il collabore avec Oldenburg, Erró, Carolee Schneemann, Yoko Ono, Pommereulle ou Robert Filliou. Maniant au cours de sa carrière une large gamme de techniques – installation, son, vidéo, dispositifs – il ne cesse toutefois pas de peindre et dessiner, et explore de même toutes les possibilités de ce registre : collages, cire, huile, acrylique, voire excréments d’oiseaux sont employés suivant des combinaisons changeantes dans des formats volontiers amples.

 

Cette œuvre est un des quatre collages entrés dans la collection, constituant un ensemble qui illustre parfaitement les recherches plastiques, mais aussi l’esprit frondeur, non dénué d’humour, de cet activiste qui continue de dénoncer l’ordre établi. Ici, le collage, procédé cher aux surréalistes, juxtapose – apparemment librement - des titres de presse issus du quotidien France soir, dont la décontextualisation et l’ordonnancement composent un discours polysémique : dénonciateur (la vacuité de formules convenues s’y révèle), comique dans l’irrévérence ou absurde jusqu’à la poésie. Dadaïste dans l’esprit, ces compositions empruntent également aux avant-gardes du XXe siècle leur facture expressive voire lyrique, héritière tant des abstractions de Kandinsky que des drippings de Pollock. Les contours bruts de visages schématisés évoquent les formes synthétiques des arts premiers, faisant de ces quatre compositions tant un précipité des engagements politiques et des ambitions poétiques de l’artiste, qu’une cartographie de ses goûts de collectionneur.

 

La référence à l’évacuation de l’École des Beaux-Arts, clin d’œil tant à l’activisme de l’artiste en mai 68 qu’à celui des élèves de l’institution, explicite la résonance de l’œuvre de Lebel avec la création aujourd’hui au sein de l’École tout en lui fournissant un programme : s’emparer du monde, le dire, le réfléchir pour mieux le transfigurer. Artiste passeur, Lebel offre ainsi autant un héritage qu’un horizon à rejoindre.