Unica ZÜRN (Berlin, 1916 – Paris, 1970)
« Der Geist aus der Flasche » [L’esprit hors de la bouteille], 1960, plume et encre noire, 31,9 x 24,5 cm, EBA 11279
Ce dessin laissé à l’état de manuscrit fait partie, comme l’indique l’inscription située dans la partie supérieure, du tome V de l’Oracles et spectacles, également entré dans la collection. Datée d’août 1960 et localisée à Palavas-les-flots, cette feuille est à mettre en relation, comme Zürn le précise, avec sa première rencontre avec Henri Michaux en 1957. Lors de son internement à l’hôpital Sainte-Anne en 1961, il lui offre un cahier d’écolier portant comme dédicace « Cahier de blanches étendues intouchées/Lac où les désespérés, mieux que les autres/Peuvent nager en silence, / S’étendre à l’écart et revivre » et dans lequel elle poursuit pendant plusieurs années son œuvre dessiné.
Les anagrammes, qui sont formées en une succession de mots où les lettres par un jeu d’écriture ont été permutées, offrent au lecteur un univers insolite et poétique. Contrairement aux surréalistes qui le pratiquaient essentiellement comme un simple divertissement, elles correspondent pour Zürn à une véritable démarche esthétique qui rend ici hommage au poète de La Nuit remue (1934) et de Plume, précédé de Lointain intérieur (1938). Edité chez Gallimard dans la collection « Blanche », ce texte paraît avec le titre en couverture rouge et noir : rouge pour Plume et noir pour Précédé de Lointain intérieur, les mêmes couleurs utilisées ici par Zürn pour distinguer ses annotations de ses motifs dessinés.
Les figures imbriquées les unes aux autres font pour leur part référence au chapitre « Animaux fantastiques » de Plume, où « Avec simplicité les animaux fantastiques sortent des angoisses et des obsessions et sont lancés au-dehors sur les murs des chambres où personne ne les aperçoit que leur créateur. La maladie accouche, infatigablement, d’une création animale inégalable » (Gallimard, collection La Pléiade, 1998, p. 581) : Michaux y évoque avec force des visions hallucinatoires qui font écho à celles que Zürn subit régulièrement, plongée « dans un carnaval fantasque et extravagant des bêtes insolites et des monstres. Dans la mascarade hallucinée des animaux, des hybrides, des êtres composites […], les corps se métamorphosent : ils changent de mues : ils se déguisent : ils se travestissent » (Anne-Marie Dubois, exposition., musée Singer-Polignac, 2014).