Ces photographies participent à la constitution d’un corpus d’œuvres à révéler aux étudiants, autour de figures singulières et majeures, connues ou méconnues d’artistes qui ont fondé l’art du XXème siècle. Dans une perspective historique elle inscrit les enjeux de genre, actés par les gender studies dans les années 90, comme étant déjà actifs dans les pratiques artistiques photographiques notamment, plus anciennes, transgressives et ambigües.
Michel Journiac fut séminariste, artiste, enseignant, critique et théoricien de l’Art corporel notamment dans la revue ArTitudes qu’il a fondée avec François Pluchart. Son œuvre s’incarne dans une série d’indices, d’objets et de rituels et dont la plus emblématique de ses « actions corporelles » : Messe pour un corps (6 novembre 1969, Galerie Daniel Templon, Paris). Le corps, ses humeurs et attributs (chair, sang) mais également le corps représenté par les déterminismes biologiques, sociaux et culturels dont il est l’écheveau, demeure son territoire d’investigation artistique.
Ces deux photographies, La Femme travestie et La Lessive, relèvent de la série photographique iconique 24 heures dans la vie d’une femme ordinaire. La photographie La Lessive renvoie à l’installation éponyme plus ancienne, exposant sur un fil séchoir des vêtements étiquetés aux noms d’artistes célèbres (La Lessive, techniques mixtes, 1969). Elles traduisent une intention d’appropriation et de détournement d’une pratique régulière, subalterne, mais également la déconstruction des figures de « l’Artiste » et de « la Femme ». La photographie met au premier plan de l’action réalisée par Michel Journiac travesti en ménagère, le carton de lessive dont la marque cynique « Génie » est affichée au premier plan. La photographie La Femme travestie réalise une mise en abyme et un palimpseste des genres, représentant un homme habillé en femme qui s’habille en homme, à en perdre tout repère normatif.
Les Beaux-Arts de Paris ont édité les écrits de Michel Journiac en 2013, collection « Écrits d'artistes ».