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Lénore, 1835 Plume et encre de Chine, rehauts de gouache, 14,2 x 19,5 cm © Beaux-Arts de Paris

Celestin Nanteuil

Formé dans l’atelier d’Ingres et aux Beaux-Arts de Paris, Célestin Nanteuil représente le graveur romantique par excellence. Nourri des œuvres littéraires du cénacle romantique – Hugo, Dumas ou Gautier –, il met sa liberté de création et sa verve d’ornemaniste au service d’écrivains, de revues ou de peintres, puisque quasiment toutes ses œuvres sont des illustrations ou interprétations. Son répertoire iconographique mêle « décors du Moyen- ge et personnages Renaissance, gnomes et anges, figures monstrueuses et femmes séraphiques », et fait l’admiration de Gautier qui loue sa « fantaisie inépuisable ». À la « flambée romantique du début » succède toutefois une « maturité obscure et dénuée », selon son biographe, A. Marie. À la fin du Second Empire il est peintre de genre et directeur de l’École des Beaux-arts de Dijon, décoré de la Légion d’honneur en 1868. Lénore est exemplaire de la veine romantique dans laquelle l’artiste se distingua dans les années 1830. Il illustre un passage de Lénore, du poète allemand G.A. Bürger (1747-1794), connu en France grâce à sa traduction par Nerval en 1829. Évoquant la fuite amoureuse d’une jeune fille et d’un cavalier qui se révèle vampire, cette ballade gothique inspira aussi Liszt et Ary Scheffer. Le dessin représente le moment où le cavalier montre son vrai visage :

 

« Ah ! voyez !… au même instant s’opère un effrayant prodige : hou ! hou ! le manteau du cavalier tombe pièce à pièce comme de l’amadou brûlée ; sa tête n’est plus qu’une tête de mort décharnée, et son corps devient un squelette qui tient une faux et un sablier. »

 

Nanteuil avait déjà fourni une illustration de cette scène pour un livret publié en 1833, et il en conserve ici le caractère horrifique, prétexte à convoquer tous les éléments propres à l’esthétique gothique : au clair de lune et parmi des nuées d’oiseaux sombres, le cavalier mi- homme mi-squelette mène à bride abattue un cheval mort-vivant, portant en croupe son amante dénudée aux cheveux épars. C’est la même scène qu’avait également choisi d’illustrer Scheffer dans Les morts vont vite, huile sur toile de 1830 (Paris, Musée de la Vie romantique). Avec cette feuille rare, les Beaux-Arts de Paris enrichissent ainsi leur fonds d’une œuvre parfaitement représentative de l’imaginaire romantique, nourri de littérature et de fantastique, de la main d’un de ses représentants les plus sensibles.