« Mes récits, proches d’un univers cinématographique ou théâtral, traduisent une tentative de connexion avec la spiritualité à travers le banal, le quotidien dans le domicile. Des manifestations physiques de la divinité croisent nos chemins et nous avons la possibilité ou non de les apercevoir, il suffit de les entretenir et d’en apprivoiser les coutumes. »
À travers son projet Les gardiennes du 10e étage, Lina Benzerti nous présente sa mère et sa sœur, perchées tout en haut d’un immeuble qui est leur huis-clos. Par la tragique force des choses, elle se sont retrouvées toutes les trois, formant ce trio féminin qui évolue entre croyances, deuils et rituels. Ce projet rend hommage à l’amour et la pudeur, à ce moment précis où les pièces se vident dans la maison, lorsque les chambres ne sont plus toutes occupées, lorsqu’il n’y a plus le même nombre de couverts à table et que le temps semble s’être arrêté.
Une série de vidéos ouvre un peu plus grand les portes de la maison, laissant entendre les dessous de la confection d’une œuvre familiale. À travers cette dimension, l’artiste concrétise un désir d’intégrer les membres de sa famille à un projet artistique afin de relier deux univers qui ne se connaissent pas et ne se sont pas toujours compris. Elle approfondit ce double dialogue en documentant la confection de ses tirages au laboratoire et en invitant sa sœur à la rejoindre.
Une création musicale au mandole algérien, composée par le musicien Wissem Abderezzak, complète le tout. « C’est un langage supplémentaire qui me permet de raconter ce qu’il se passe entre chacune des photographies. »
“My stories, close to a cinematographic or theatrical universe, reflect an attempt to connect with spirituality through the mundane, everyday life at home. Physical manifestations of divinity cross our paths and we have the possibility or not of seeing them, we just need to maintain them and tame them. customs. »
Through her project The Guardians of the 10th Floor, Lina Benzerti presents us with her mother and her sister, perched at the top of a building which is their closed door. By the tragic force of things, the three of them found themselves, forming this feminine trio which evolves between beliefs, mourning and rituals. This project pays homage to love and modesty, at this precise moment when the rooms in the house become empty, when the bedrooms are no longer all occupied, when there are no longer the same number of place settings at the table and that time seems to have stopped.
A series of videos opens the doors of the house a little wider, revealing the underside of the creation of a family work. Through this dimension, the artist realizes a desire to integrate the members of his family into an artistic project in order to connect two worlds which do not know each other and have not always understood each other. She deepens this double dialogue by documenting the making of her prints in the laboratory and by inviting her sister to join her.
A musical creation on the Algerian mandola, composed by the musician Wissem Abderezzak, completes the whole thing. “It’s an additional language that allows me to tell what’s happening between each of the photographs. »
À partir d’un travail de recherche et de documentation sur différents milieux professionnels – ceux des modérateur·rices sur Internet, des routiers ou des rappeurs – Joséphine Berthou écrit et réalise des essais cinématographiques, entre films de fiction et documentaires, qu’elle présente sous la forme d’installations. Inspiré de la comédie musicale, son travail vidéo explore, à travers une symphonie de clics et une mélodie numérique, les systèmes qui régissent les sociétés capitalistes, les phénomènes d’influence et d’emprise, les relations qui se nouent ou se dénouent entre les individus à travers les réseaux sociaux.
Based on research and documentation on different professional environments – those of Internet moderators, truck drivers or rappers – Joséphine Berthou writes and produces cinematographic essays, between fiction films and documentaries, which she presents in the form of installations. Inspired by the musical, his video work explores, through a symphony of clicks and a digital melody, the systems that govern capitalist societies, the phenomena of influence and control, the relationships that form or unravel between individuals through social networks.
« J’ai choisi de présenter cette installation pour mon diplôme de fin d’études dans une cave insalubre et négligée, nécessitant des semaines de purification et d’assainissement préalable à l’aménagement de l’espace. Ce choix s’inscrit dans une volonté d’investir un lieu difficile d’accès : à l’opposé d’un espace d’exposition ad hoc et à même d’abriter cette recherche menée autour des questions d’authenticité, de fabrication des affects et de représentation.
Les pièces présentées répondent à une nécessité : atteinte d’aphantasie (particularité neurologique rendant impossible la représentation d’images mentales), j’ai pensé Mégalomartyre comme un palais de la mémoire, une archive sensorielle de souvenirs réels, fantasmés ou factices, qui matérialisent les émotions qu’il m’est impossible de visualiser. Le parcours immersif permet ainsi un cheminement cathartique, où des ressentis informulés se concrétisent à travers divers média et matériaux, et sont offerts à l’interprétation des visiteurs.
Grâce à une atmosphère ambiguë, entre illusion et exotisme, Mégalomartyre pose la question de la mystification de nos propres souvenirs. Cette mise en scène nostalgique résonne avec mon intérêt pour la Hillbilly Music, elle-même forgée sur les récits d’un passé mythique (américain), fantasmé et réinventé. C’est pourquoi chaque pièce est associée à un titre de musique country, ayant accompagné sa réalisation. »
“I chose to present this installation for my end-of-studies diploma in an unsanitary and neglected cellar, requiring weeks of purification and sanitation prior to the development of the space. This choice is part of a desire to invest in a place that is difficult to access: the opposite of an ad hoc exhibition space and capable of housing this research carried out around questions of authenticity, manufacturing of affects and representation.
The pieces presented respond to a necessity: suffering from aphantasia (neurological particularity making the representation of mental images impossible), I thought of Mégalomartyre as a memory palace, a sensory archive of real, fantasized or artificial memories, which materialize emotions that are impossible for me to visualize. The immersive journey thus allows for a cathartic journey, where unformulated feelings come to fruition through various media and materials, and are offered for interpretation by visitors.
Thanks to an ambiguous atmosphere, between illusion and exoticism, Mégalomartyre raises the question of the mystification of our own memories. This nostalgic staging resonates with my interest in Hillbilly Music, itself forged on the stories of a mythical (American) past, fantasized and reinvented. This is why each piece is associated with a country music title, which accompanied its creation. »
Photo : Aurélia Casse
Une aventure collective, à la fois romantique et rappelant les œuvres de Werner Herzog, prend la forme de construction d’instruments de musique à partir des débris. Les membres de l’équipage improvisent des sons en utilisant des techniques telles que la percussion, le frottement et le pincement… chacun contribue de manière spontanée, tout en étant à l’écoute. Le bois amplifié révèle des sonorités inattendues. Au-delà de la performance musicale, l’art réside également dans le déplacement, l’ingéniosité et la technicité nécessaires pour apporter ces arbres et envisager leur utilisation future. Un dispositif de réalité virtuelle permet aux spectateurs de revivre cette aventure et d’explorer l’environnement où s’accumulent les vestiges, inscrivant ainsi l’art dans le temps tout en reconnaissant sa nature transitoire.
Henri Guette, extraits
A collective adventure, both romantic and reminiscent of the works of Werner Herzog, takes the form of constructing musical instruments from debris. Crew members improvise sounds using techniques such as percussion, rubbing and plucking… everyone contributes spontaneously, while listening. Amplified wood reveals unexpected sounds. Beyond the musical performance, the art also lies in the movement, ingenuity and technicality necessary to bring these trees and consider their future use. A virtual reality device allows spectators to relive this adventure and explore the environment where the remains accumulate, thus placing the art in time while recognizing its transitory nature.
Henri Guette extracts
Les sculptures et les installations de Thomas Besset habitent l’espace comme des machines célibataires. Même si elles sont dotées d’ossatures précises et de moteurs fonctionnels, elles refusent la perfection glacée de la régularité qui les éloignerait trop du monde vivant. Ses sculptures, imprimées en 3D, présentent des ressemblances avec le corps humain : on décèle çà et là un cœur, des poumons, des cages thoraciques, des lèvres, tout ce qui permet à un être de produire un son soufflé. Les tuyaux-en cuivre, en laiton ou en plastique- rappellent autant les artères et les veines que la machinerie d’un orgue. Depuis quelques temps, les formes de Thomas Besset sont de plus en plus organiques, acceptant la mollesse et la couleur. Des fleurs s’épanouissent au sein de l’orchestre des respirations. Leur fragilité est là pour nous rappeler la délicatesse des fonctions vitales : inspirer, exhaler, être somme toute le réceptacle permanent d’un gaz nécessaire à notre survie et réussir à le transformer par la parole ou par le chant.
Camille Paulhan, extraits
Thomas Besset’s sculptures and installations inhabit the space like single machines. Even if they have precise frameworks and functional engines, they refuse the frozen perfection of regularity which would distance them too far from the living world. His sculptures, printed in 3D, present resemblances to the human body: here and there we detect a heart, lungs, rib cages, lips, everything that allows a being to produce a blown sound. The pipes - made of copper, brass or plastic - are as reminiscent of arteries and veins as the machinery of an organ. For some time now, Thomas Besset's shapes have become more and more organic, accepting softness and color. Flowers bloom within the orchestra of breathing. Their fragility is there to remind us of the delicacy of vital functions: to inhale, to exhale, to be, in short, the permanent receptacle of a gas necessary for our survival and to succeed in transforming it through speech or song.
Camille Paulhan, extracts
La pratique de Léa Le Floc’h est basée sur une recherche autour du paysage, plaçant des personnages et des animaux dans des espaces naturels, dans une atmosphère qui aspire à la contemplation.
Elle cherche à retranscrire des sensations, et à représenter des moments suspendus, comme pour garder en mémoire des événements éphémères et anodins. Tout en s’inspirant de l’imagerie médiévale, la narration et la poésie occupent une place centrale dans son travail. Les paysages sont construits pour accueillir des scènes de la vie quotidienne à la limite du rêve. La notion d’immersion est cruciale dans sa manière d’élaborer et de penser une image, pour que l'on puisse prendre part mentalement à ce qui se déroule dans le tableau.
A travers la relation des protagonistes avec le paysage, Léa Le Floc’h interroge notre rôle dans l’environnement qui nous entoure, en montrant à la fois sa fragilité et sa splendeur.
Léa Le Floc’h’s practice is based on research around the landscape, placing people and animals in natural spaces, in an atmosphere that aspires to contemplation.
She seeks to transcribe sensations, and to represent suspended moments, as if to remember ephemeral and trivial events. While drawing inspiration from medieval imagery, narration and poetry occupy a central place in his work. The landscapes are constructed to accommodate scenes of daily life bordering on dreams. The notion of immersion is crucial in the way of developing and thinking about an image, so that we can mentally take part in what is happening in the painting.
Through the protagonists' relationship with the landscape, Léa Le Floc'h questions our role in the environment that surrounds us, showing both its fragility and its splendor.
Dans un imaginaire empreint d’une ironie bon enfant, Louis Lanne capture tout ce qui lui traverse l’esprit : ses œuvres témoignent de la spontanéité du coup de crayon qui génère des idées saugrenues… Il exploite un support peu conventionnel : le tableau blanc magnétique ou tableau Velléda. Sur cette surface froide, des strates de matières a priori incompatibles, telles que la peinture à l’huile, le feutre, la colle, la résine ou le goudron, se superposent entre translucidité et dissimulation pour former des microcosmes saturés de couleurs et de signes.
Anne-Laure Peressin, extraits
In an imagination imbued with good-natured irony, Louis Lanne captures everything that crosses his mind: his works bear witness to the spontaneity of the stroke of the pencil which generates absurd ideas... He uses an unconventional medium: the magnetic whiteboard or Velleda painting. On this cold surface, layers of apparently incompatible materials, such as oil paint, felt, glue, resin or tar, are superimposed between translucency and concealment to form microcosms saturated with colors and signs. .
Anne-Laure Peressin, extracts
Dans les peintures de David Mbuyi, il existe comme une tension à savoir ce que l’on regarde… Le peintre aime les petits faits vrais, sans pour autant chercher le réalisme…Sa façon de délimiter, par des traitements spécifiques, des jeux de lumières, des zones d’intérêt, traduit quelque chose d’un jeu sur les perceptions et l’histoire des genres… Dans chaque toile, il parvient à donner l’impression au spectateur d’être à deux secondes de l’action, à deux secondes du cadre. Pas tout à fait là, mais juste à côté.
Extrait d’un texte de Henri Guette
In David Mbuyi's paintings, there is a tension in knowing what we are looking at... The painter likes small, true facts, without seeking realism... His way of delimiting, through specific treatments, plays of light , areas of interest, translates something of a game on perceptions and the history of genres... In each painting, he manages to give the viewer the impression of being two seconds from the action, two seconds of the frame. Not quite there, but right there.
Extract from a text by Henri Guette
Des toiles habitées par une mélancolie pleine de panache. Les peintures de Yanma Fofana sont intimistes, pour la plupart inspirées par des photos familiales. « Je me sens un peu dépassée par le temps et j’ai toujours eu cette impression assez étrange de le retranscrire », dit celle qui prend également de nombreuses photographies argentiques et numériques de sa famille. Elle capture des moments suspendus de sa vie quotidienne. Des moments secrets aussi... Les toiles de Yanma Fofana tentent de figer l’éphémère. Une volonté proustienne peut-être… palpable aussi dans ses portraits d’enfants et dans cette omniprésence de la couleur violette. Qui génère une impression de rêve spectrale. Halo mauve. Les nuits américaines, irréelles, presque imaginaires, qui l’on marquée lorsqu’elle était en année d’échange à Los Angeles en 2022, en étaient parées. De l’Amérique, on perçoit aussi l’influence des peintres afro-américains Henry Taylor et Kerry James Marshall avec lesquels elle partage, outre l’attrait pour le quotidien, une appétence pour les couleurs vives. Chez cette artiste, le motif entoure le personnage, le décontextualise, focalise l’attention sur le regard de ses sujets, et crée… une intimité inédite et profonde. Marjorie Bertin, extraits
Canvases inhabited by a melancholy full of panache. Yanma Fofana's paintings are intimate, most of them inspired by family photos. “I feel a little overwhelmed by time and I have always had this rather strange feeling of transcribing it,” says the woman who also takes numerous film and digital photographs of her family. She captures suspended moments of her daily life. Secret moments too... Yanma Fofana's paintings attempt to freeze the ephemeral. A Proustian desire perhaps... also palpable in his portraits of children and in this omnipresence of the color purple. Which generates a spectral dreamlike feeling. Purple halo. The American nights, unreal, almost imaginary, which marked her when she was on an exchange year in Los Angeles in 2022, were adorned with them. From America, we also perceive the influence of African-American painters Henry Taylor and Kerry James Marshall with whom she shares, in addition to the attraction for everyday life, an appetite for bright colors. With this artist, the motif surrounds the character, decontextualizes it, focuses attention on the gaze of her subjects, and creates... an unprecedented and profound intimacy. Marjorie Bertin, extracts
C’est une collection mémorielle, des techniques féériques qui utilisent avec grâce le folklore provençal pour capter l’essence du souvenir… Des empreintes de carrelage, des veilleuses désuètes, métamorphosées par des dessins d’enfant qu’elle a brodés… Cette mémoire, Amandine Massé la fusionne avec des techniques parfois apprises en Afrique et nous offre la beauté d’un artisanat onirique et unique. Marjorie Bertin, extraits
It is a memorial collection, magical techniques which gracefully use Provençal folklore to capture the essence of memory... Imprints from tiles, obsolete night lights, transformed by children's drawings that she embroidered... This memory, Amandine Massé merges it with techniques sometimes learned in Africa and offers us the beauty of a dreamlike and unique craftsmanship. Marjorie Bertin, extracts